L'arc-en-ciel

Arc-en-ciel

L’arc-en-ciel est un spectacle naturel qui fascine les Hommes depuis toujours. Nous allons dans cette page d’explications chercher à en comprendre l’origine. Nous verrons que si les arcs-en-ciel peuvent être classés dans la famille des couleurs de réfraction, la compréhension de leur géométrie reste relativement complexe.

Observations générales

Avant d’entrer dans les explications à proprement parler, précisons les conditions d’observations et les caractéristiques les plus marquantes des arcs-en-ciel. Nous savons que pour pouvoir les observer, il faut « en même temps » du soleil et de la pluie, ce qui explique pourquoi leurs apparitions sont relativement rares. Plus précisément, il faut qu’il fasse beau dans notre dos et qu’il pleuve face à nous, l’observation des arcs-en-ciel se faisant toujours dos au Soleil, en regardant un rideau de pluie.

Arc-en-ciel (arc principal, arc secondaire, zone sombre d'Alexandre)

La caractéristique la plus remarquable est l’existence d’un arc coloré (appelé arc principal) dans lequel on retrouve plus ou moins visibles les couleurs du « spectre » : rouge à l’extérieur, puis orange, jaune, vert, bleu, et violet vers l’intérieur. Dans certains cas, un deuxième arc (appelé arc secondaire) est visible à l’extérieur du premier. Les couleurs y sont moins intenses, plus étalées et dans l’ordre inverse de l’arc principal. Entre ces deux arcs s’étend une zone moins lumineuse appelée bande sombre d’Alexandre, du nom du philosophe grec Alexandre d’Aphrodise qui la décrivit le premier au 2ème siècle après J.C.

Méthodologie

Afin d’expliquer l’origine des arcs-en-ciel, nous procéderons par étape. Nous commencerons par analyser le cas d’un rayon lumineux arrivant sur une goutte d’eau, puis celui d’un faisceau lumineux arrivant sur une goutte d’eau, et enfin celui d’un faisceau lumineux arrivant sur un grand nombre de gouttes d’eau. Nous simulerons les trajets des rayons lumineux à l’aide du logiciel gratuit Optogeo. Les schémas qui suivent sont, sauf mention contraire, construits en utilisant les vraies valeurs de l’indice de l’eau (et la bonne dispersion).

Un rayon et une goutte

Cherchons donc pour commencer à comprendre ce qui se passe quand un rayon de lumière blanche arrive sur une goutte d’eau. Première remarque, mais de grande importance : les gouttes de pluie, quand elles sont suffisamment petites, n’ont pas la forme d’une larme contrairement à la représentation qui en est souvent faite, mais sont sphériques.

Trajet d'un faisceau laser dans un disque en plexiglas (simulation d'une goutte d'eau, réflexion, réfraction, arc-en-ciel)

Sur cette photo où un faisceau laser rouge est envoyé sur un disque en plexiglas, on peut visualiser les différents rayons réfléchis et réfractés. Ce qui intéresse l’observateur qui regarde la goutte dos au Soleil, c’est la lumière qui revient vers lui, donc le rayon réfléchi au fond de la goutte et qui a été réfracté deux fois puisqu’il a dû entrer et sortir de la goutte (on se posera plus loin la question de réflexions multiples dans la goutte). On peut voir que ce rayon subit une baisse significative d’intensité par rapport au rayon incident, l’essentiel de la lumière étant transmise par la goutte.

Si on envoie à présent un rayon de lumière blanche, les réfractions à l’entrée et à la sortie de la goutte se traduisent par une séparation des couleurs « lumière » pures ou couleurs spectrales qui composent la lumière blanche (voir la page « les couleurs de réfraction ») : sur notre schéma, les rayons rouge, vert et bleu viennent vers l’observateur dans trois directions légèrement différentes. L’angle de déviation entre le rayon incident et le rayon sortant après réflexion sur le fond de la goutte dépend ainsi de la couleur spectrale.

Rayon de lumière blanche dans une goutte d'eau (réflexion, réfraction, dispersion, arc-en-ciel)

Un faisceau et une goutte

Lorsque le Soleil éclaire une goutte de pluie, il ne faut pas prendre en compte un seul rayon mais une infinité, qui constitue un faisceau de lumière couvrant la face avant de la goutte. Ces rayons arrivent sur la goutte en première approximation tous parallèles entre eux, mais la forme incurvée de la goutte fait que leur inclinaison par rapport à sa surface dépend du point d’impact (point A du schéma précédent, qui balaye la surface éclairée de la goutte). Ceci conduit à des angles de déviation variables. Le logiciel Optogeo permet de traiter à deux dimensions cette situation assez complexe (notre goutte est modélisée par un disque). L’animation montre le trajet d’un rayon lumineux monochromatique qui passe par le centre de la goutte puis se décale progressivement vers le haut (la situation est symétrique vers le bas). On voit que l’angle de déviation entre le rayon incident et le rayon réfléchi dans la goutte augmente, passe par un maximum, puis diminue rapidement avant que le rayon réfléchi ne disparaisse quand le rayon incident n’entre plus dans la goutte.

Animation (rayon réfléchi dans une goutte d'eau, maximum de déviation, arc-en-ciel)

On retrouve ce résultat sur le schéma ci-dessous montrant les trajets d’un grand nombre de rayons éclairant l’ensemble de la goutte : les rayons sortants et réfléchis une fois dans la goutte se répartissent entre deux maximums de déviation, un vers le haut et un vers le bas, qui créent des zones d’accumulation de la lumière (sur le schéma, les rayons sont plus serrés qu’ailleurs).

Schéma (rayons réfléchis et transmis par une goutte d'eau, zone d'accumulation, arc-en-ciel)

Du fait que l’eau est un milieu dispersif, les directions de ces maximums de déviation dépendent de la fréquence de la vibration lumineuse : pour le rouge la déviation maximale est d’environ 42°, alors qu’elle est d’environ 40° pour le bleu. Si on envoie un faisceau parallèle de lumière blanche sur la goutte, les différentes couleurs spectrales restent mélangées dans le faisceau sortant et donnent du blanc, sauf dans les zones d’accumulation où elles vont apparaître. À trois dimensions, la goutte d’eau est une sphère et non un disque, les zones d’accumulation se retrouvent donc sur un cône de révolution, dont l’axe est donné par le rayon passant par le centre de la goutte et dont le demi angle au sommet vaut 42° pour le rouge et 40° pour le bleu.

Schémas (couleurs dans la lumière réfléchie par une goutte d'eau, arc-en-ciel)

Il est possible de visualiser ce phénomène en éclairant une sphère en verre remplie d’eau avec un faisceau parallèle de lumière blanche : dans la photo suivante, l’intersection des cônes d’accumulation pour chaque composante spectrale avec l’écran hémisphérique produit un arc irisé.

Photo expérience arc irisé généré par une sphère d'eau (arc-en-ciel)

Un faisceau et un grand nombre de gouttes

Quand le Soleil éclaire une zone du ciel où il pleut, ce ne sont pas une mais un grand nombre de gouttes de pluie qui sont éclairées. Chaque goutte, quelle que soit sa position dans le ciel, renvoie un excès de lumière rouge dans une direction située à 42° par rapport à celle des rayons du Soleil (c’est le cône rouge du paragraphe précédent). Si cette direction coïncide avec celle de l’œil de l’observateur (cas de la goutte n°2 dans le schéma ci-dessous), la goutte en question sera vue rouge. Pour la lumière bleue, ce sont les gouttes situées à 40° par rapport à la direction des rayons du Soleil qui sont vues bleues (cas de la goutte n°1).  Attention, les écarts d’angles ont été exagérés dans ce schéma.

Schéma montrant la formation d'un arc-en-ciel dans l'oeil d'un obserateur

La formation de l’arc rouge s’explique par le fait que les gouttes envoyant l’excès de lumière rouge dans l’œil de l’observateur sont situées sur la surface d’un cône qui a cette fois pour sommet l’œil de l’observateur, pour axe la direction du Soleil et pour angle au sommet 42°. L’arc bleu est situé sur un cône de même sommet et de même axe, mais d’angle au sommet 40°. Les différentes couleurs spectrales qui composent la lumière blanche du Soleil se répartissent ainsi entre ces deux angles, le rouge étant donc vu à l’extérieur de l’arc coloré, et le bleu à l’intérieur. La présence d’un grand nombre de gouttes d’eau renforce la luminosité de l’arc-en-ciel mais surtout permet de « remplir » le champ visuel de l’observateur !

Formation d'un arc-en-ciel dans l'oeil d'un observateur (pluie)

En pratique, ces cônes colorés sont le plus souvent coupés par la surface du sol et par les zones où il ne pleut pas et où les rayons du Soleil n’arrivent pas directement. L’observateur ne voit donc généralement que la partie supérieure du cône, donc un arc de cercle plus ou moins étendu, d’autant plus grand et haut dans le ciel que le Soleil est bas sur l’horizon. On peut même voir des cercles complets (appelés cercles-en-ciel !) depuis des sommets de montagne ou des avions.

Il est important de souligner que l’arc-en-ciel est un phénomène coloré qui in-fine se forme dans l’œil de l’observateur et non dans le ciel, contrairement au cas de l’arc irisé formé par une sphère d’eau unique que l’on peut projeter sur un support (voir la photo ci-dessus). Autrement dit, deux personnes différentes ne voient pas le même arc car les gouttes de pluie qui entrent en jeu ne sont pas les mêmes pour eux deux. Et il est inutile de chercher à s’approcher du pied de l’arc pour y trouver un trésor, comme l’affirment certaines légendes : c’est peine perdue puisque l’arc se déplace avec l’observateur !

L'arc secondaire et la zone sombre d'Alexandre

Essayons à présent de comprendre l’origine de l’arc secondaire et de la bande sombre d’Alexandre. L’arc secondaire provient des rayons qui sont réfléchis deux fois (et non une comme pour l’arc principal) à l’intérieur des gouttes avant d'en ressortir, d’où une intensité moindre : à chaque réflexion dans la goutte, le rayon perd en intensité car une grande partie de la lumière est transmise dans l’air.

Schéma de la double réflexion dans une goutte d'eau (arc secondaire, arc-en-ciel)

Si on envoie sur une goutte un faisceau de lumière parallèle, le faisceau sortant après deux réflexions dans la goutte est cette fois limité par deux minimums de déviations (et non par des maximums comme précédemment), un vers le haut et un vers le bas, qui créent là encore des zones d’accumulation de lumière. Les angles d’accumulation de ces rayons sont de 50° pour le rouge et 53° pour le bleu.

Animation (rayon réfléchi deux fois dans une goutte d'eau, arc secondaire, arc-en-ciel)
Schéma (couleurs des rayons réfléchis deux fois dans une goutte, arc secondaire, arc-en-ciel)

L’arc secondaire est donc bien vu par un observateur à l’extérieur de l’arc principal (les angles d’accumulation sont plus grands ici) et avec un ordre de couleur inversé (angle plus grand cette fois-ci pour le bleu). Entre les deux arcs, donc entre les maximums de déviation obtenus par la lumière réfléchie une fois dans les gouttes et les minimums de déviation obtenus par la lumière réfléchie deux fois dans les gouttes, on trouve une zone qui présente un déficit de lumière, la fameuse bande sombre d’Alexandre.

Schéma général de l'arc-en-ciel (pluie, arc principal, bande sombre d'Alexandre, arc secondaire)

Il existe en principe d’autres arcs, impliquant un plus grand nombre de réflexions internes aux gouttes : l’arc tertiaire pour trois réflexions, quaternaire pour quatre réflexions, etc. Ces arcs sont cependant très difficiles à observer car leur intensité est de plus en plus faible à mesure que le nombre de réflexions dans les gouttes augmente. Il a quand même été possible de prendre en photo des arcs tertiaires et quaternaires, bien que de plus leur observation nécessite de se mettre face au Soleil

Les couleurs de l'arc-en-ciel sont-elles pures ?

Pas tout à fait. Autrement dit, chaque couleur de l’arc-en-ciel ne correspond pas tout à fait à une unique fréquence de vibration de l’onde lumineuse car plusieurs phénomènes contribuent à l’étalement en sortie des gouttes d’eau de chaque composante spectrale de la lumière blanche du Soleil sur une certaine largeur de faisceau. Tout d’abord, les rayons responsables par exemple de la couleur rouge ne viennent pas tous du minimum de déviation mais également de directions voisines. Ensuite, en raison du diamètre apparent du Soleil, les rayons incidents ne sont pas tout à fait parallèles entre eux et arrivent sur les gouttes d’eau avec un angle qui peut varier d’un demi-degré, pas du tout négligeable devant l’écart entre les angles d’accumulation correspondant aux couleurs spectrales extrêmes du visible (2° entre le rouge et le bleu pour l’arc primaire, 3° pour l’arc secondaire).

Arc-en-ciel et couleurs spectrales

On peut voir sur cette simulation que l’étalement du maximum de déviation en sortie de goutte, induit par une ouverture angulaire de 0,5° du faisceau incident, n’est pas négligeable par rapport aux différences angulaires induites par la réfraction entre les différentes couleurs spectrales. Elle permet tout juste de séparer les composantes spectrales bleue et verte.

Les couleurs de l’arc-en-ciel ne correspondent donc pas à des couleurs spectrales pures. Mais comme nous l’avons déjà discuté dans le cas du prisme, tant que le recouvrement entre les zones rouge et bleu du spectre reste limité, notre système de vision des couleurs fait que nous voyons la succession habituelle de couleurs spectrales.

 

La fin de l'histoire ?

Arcs surnuméraires (arc-en-ciel)

La construction géométrique des rayons lumineux dans des gouttes d’eau sphériques à l’aide des lois de la réfraction et de la réflexion nous a permis de comprendre certaines caractéristiques des arcs-en-ciel (arc principal, arc secondaire, etc.). Mais d’autres ne peuvent se comprendre qu’en prenant en compte la nature ondulatoire de la lumière. Par exemple, les arcs surnuméraires qui apparaissent parfois à l’intérieur du premier arc, à proximité de la bande bleue-violette, sont dus à des effets d’interférences entre les différentes ondes réfléchies dans la goutte. Leurs couleurs ne correspondent d’ailleurs pas aux couleurs spectrales mais se rapprochent de celles que l'on peut observer sur des bulles de savon. De même, le fait que les couleurs des arcs-en-ciel sont généralement moins saturées quand les gouttes de pluie sont petites s’explique par la diffraction de la lumière sur les gouttes. Dans le cas extrême d’un brouillard dont les gouttes ont une taille inférieure à 50 micromètres, les couleurs disparaissent et il ne reste plus qu’un arc « blanc » plus large, appelé arc de brouillard.

Autant de phénomènes différents qui font que deux arcs-en-ciel ne sont jamais vraiment les mêmes ! Pour une discussion plus complète et plus approfondie des arcs-en-ciel, nous vous renvoyons à des ouvrages spécialisés que vous trouverez dans notre bibliographie.

Halo

Mentionnons pour finir qu’on trouve d’autres arcs colorés dans la nature, dus à d'autres structures que des gouttes d'eau, comme par exemple les halos associés à la réfraction de la lumière dans des cristaux de glace qui composent les nuages de haute altitude appelés cirrus. Quand la lumière du Soleil joue avec la matière, elle n'a pas fini de nous surprendre !